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12 mai 2023 5 12 /05 /mai /2023 14:14
Le nucléaire face au réchauffement climatique

Face au péril climatique, le débat sur le nucléaire ne consiste plus à en soupeser avantages et inconvénients, connus de tous, mais à interroger les possibilités d’énergies renouvelables (EnR) :
- Après sobriété (hypothétique) de 40 %, quel volume d’énergie hydrocarbure nous restera-t-il à décarboner (sur les 87 Mtep/an actuels) ?
- Combien d’éoliennes et de photovoltaïque représente ce volume d’énergie ?
- Quels volumes de ressources (notamment cuivre, mais pas que) nécessiteraient la production de ce volume d’EnR ?
- Quels pays seront en mesure de nous fournir ces ressources, dans un contexte de demande croissante ? À quel prix ? À quel taux volumique (qui ne cesse de décroître) ? Avec quelle consommation et quel type d’énergie pour l’extraction, la fabrication et le transport ? Avec quel impact carbone ? Avec quels impacts polluants sur l’environnement (métaux toxiques, radioactivité) ? Dans quel contexte géopolitique mondial ?
- Par ailleurs, par quels moyens techniques régulera-t-on l’intermittence des EnR pour assurer un réseau électrique stable, capable d’alimenter en continu aciéries, verreries, papeteries, cimenteries, trains, voitures, camions et appareils de chauffage ?
- Quelle sera la surface d’implantation nécessaire à ces EnR ? Avec quel impact sur le paysage ?
- Avec cette question finale : une fois atteint le maximum d’EnR qu’on puisse produire, implanter et réguler sur notre territoire, le volume d’énergie qu’elles produiront répondra-t-il à nos besoins, ou serons-nous condamnés à recourir au nucléaire ?
Tel est aujourd’hui le débat sur le nucléaire face au réchauffement climatique.

RTE (Réseau de Transport d’Électricité), nous dit-on, aurait travaillé sur des scénarios montrant « qu’on peut se passer du nucléaire ».
RTE a en effet esquissé 6 scénarios de mix électrique 2060, dont 3 (M0, M1 et M23) sont censés nous sortir du nucléaire vers 2050 (M0) ou 2060 (M1 et M23).
Or, il convient de rester prudents sur ces perspectives théoriques.
Le rapport RTE précise lui-même « qu’il ne peut exister aucune ambiguïté sur le caractère très ambitieux de tels rythmes, qui dépassent les meilleures performances européennes en la matière, et qui semblent aujourd’hui difficilement atteignables au vu des rythmes constatés et projetés et des difficultés d’acceptabilité des nouveaux projets ». Dit entre les lignes : les scénarios M, théoriques sur papier, seront difficilement applicables dans la réalité.
Comme évoqué plus haut, se posent en effet différentes questions :
- Le mix M0, proposant un total d’énergie de 712 TWh, répondra-t-il aux besoins de la consommation du pays, puisque nos 87 Mtep d’hydrocarbures annuels (soit 1.011 TWh) devront avoir été pour partie réduits par sobriété (40 % ?) et pour l’autre partie transformés en électricité, et qu’ils viendront s’ajouter à nos 459 TWh d’électricité déjà produits et consommés chaque année, ce dans un contexte de gourmandise énergétique croissante (et insatiable) des Français ? Nous consommons aujourd’hui 459 + 1.011 = 1.470 TWh d’énergie électrique et hydrocarbure : quid d’un horizon 2050 à 712 TWh ? On peut être sceptique, et à tout le moins prudent sur l’adéquation de ce volume à nos besoins futurs.
- Les capacités de régulation (‘flexibilité’) de l’intermittence des EnR sont prévues par RTE à hauteur de 117 GW, dont 29 GW de « nouveau thermique décarboné » et 26 GW de batteries. Or, si ce « nouveau thermique décarboné » consiste en biocarburant, quel en sera l’impact sur les surfaces agricoles alimentaires, ce dans un contexte de sécheresse accrue ? S’il s’agit d’hydrogène vert, avec quel volume d’électricité sera-t-il produit (en en prenant en compte la perte énergétique) ? Quel sera par ailleurs l’impact ressourciel et environnemental de la production de batteries à hauteur de 26 GW ? RTE note d’ailleurs que ce ‘thermique décarboné’ « deviendra massif – donc coûteux – si l’on tend vers 100% d’EnR » (lire entre les lignes : financièrement inaccessible).
- Un développement massif d’EnR soulève un problème d’implantation géographique au détriment du paysage et d’activités diverses : « Le développement des énergies renouvelables soulève un enjeu d’occupation de l’espace et de limitation des usages », prévient RTE.
- Un développement massif d’EnR impliquera une extraction massive de minerai (principalement cuivre) avec un coût énergétique exponentiel à cause de la baisse constante des taux volumiques.
- Cette extraction de minerais aura également un impact toxique sur l’environnement. L’extraction du cuivre ou tout autre métal rejette dans l’environnement des métaux indésirables et létaux (plomb, arsenic, mercure, cadmium, antimoine). L’extraction d’une tonne de néodyme pour les éoliennes offshore génère par ailleurs 350.000m3 de gaz radioactifs, 2.600m3 d’eau acide et une tonne de déchets radioactifs. Connaissant l’homme, il est capable de se ruer sur les « EnR-miracles » en polluant la terre plus encore que ne le font les hydrocarbures ou le nucléaire – et de ne s’en apercevoir que dans un siècle.
- La demande croissante des pays développés en minerais pour les EnR en fera monter les prix sur le marché et génèrera des tensions géopolitiques.
Même si RTE note que « l’économie de la transition énergétique peut générer des tensions sur l’approvisionnement en ressources minérales, particulièrement pour certains métaux, qu’il sera nécessaire d’anticiper », ses scénarios se contentent d’être théoriques, sans en prendre en compte les contingences ressourcielles, environnementales et géopolitiques des décennies qui viennent.
Il convient donc de rester prudents sur la faisabilité des scénarios M au-delà de leur conception théorique (sollicitée par les mouvements anti-nucléaires).
Dans ses conclusions, le rapport RTE mentionne que « pour 2030, développer les énergies renouvelables matures le plus rapidement possible et prolonger les réacteurs nucléaires existants dans une logique de maximisation de la production bas-carbone augmente les chances d’atteindre la cible du nouveau paquet européen » et que « construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique, a fortiori quand cela permet de conserver un parc d’une quarantaine de GW en 2050 (nucléaire existant et nouveau nucléaire) ».
En conclusion, ne nous empressons pas de faire dire à RTE ce qu’il ne dit pas, en l’occurrence qu’on pourrait « se passer du nucléaire ».
Ce qui est certain, c’est que le combat antinucléaire dans l’objectif d’une minimisation de la part du nucléaire dans le futur mix énergétique doit dépasser les slogans traditionnels « nucléaire = danger » et impose de se saisir de ces questions techniques complexes et de les travailler et maîtriser en profondeur, tout particulièrement celles de la régulation de l’intermittence, des capacités ressourcielles et de leur coût énergétique, financier et environnemental.
Face au réchauffement climatique, le combat antinucléaire doit se métamorphoser.

 

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