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La dette publique française représentait 20 % du PIB en 1978… et s’élève à 90 % en 2012, pour un montant total de 1.700 milliards d’euros. Ces chiffres font peur. Le citoyen lambda, qui travaille dur et paie ses impôts, s’en étonne. Faut-il les laisser payer leur crise, comme nous y invite l’extrême gauche ?
La dette d’un pays est nécessaire pour développer ses infrastructures ou des investissements qui produiront des bénéfices en retour pour la population dans le futur. Notre dette est toutefois parvenue à un niveau tel qu’il est nécessaire de la réduire, surtout dans le contexte qui est celui d’une croissance inférieure au seul coût des intérêts (et par lequel notre pays s’enfonce dans une spirale d’endettement sans fin). La dette doit donc être réduite, ce sans céder aux passions politiques de gauche comme de droite. Son traitement demande une action raisonnée, mesurée et sur le long terme.
Pour traiter correctement la dette, il faut en comprendre les causes. Quelles sont-elles ?
- Tout d’abord, depuis plusieurs décennies, le chômage de masse, parce qu’il exacerbe la concurrence entre les salariés, a provoqué une baisse des salaires par rapport à l’augmentation de la production des richesses. Entre 1982 et 2006, la part des salaires dans le PIB est passée, pour les quinze pays les plus riches de l’OCDE, de 67,3 % à 57,3 %, soit une baisse de 10 %, avec un manque à gagner cumulé équivalent à 150 % du PIB. Symétriquement, une part plus grande de la production de richesses est partie en direction des revenus du capital – revenus des grands dirigeants, stocks options, parachutes dorés, dividendes des actionnaires… Cet amaigrissement de la part des salaires dans le PIB a provoqué un essoufflement de la consommation, donc de la croissance, donc des recettes publiques.
- Par ailleurs, l’Irlande ayant descendu son impôt sur les bénéfices des entreprises à 12 %, tous  les autres États européens, par crainte de perdre leurs entreprises, ont baissé ce même impôt de 30 % en moyenne depuis les années 1990, créant ainsi un autre trou dans les finances publiques.
- Enfin, face à l’essoufflement de la consommation et de la croissance, les États ont multiplié les défiscalisations et primes à la consommation auprès des ménages. Ces « primes à la consommation » sont d’ailleurs des bombes à retardement, car elles ne provoquent pas une hausse réelle de la consommation mais un simple déplacement temporel de l’achat, qui provoque dans un second temps une chute des ventes et des plans de licenciement, comme on l’observe par exemple aujourd’hui dans l’automobile. Quoiqu’il en soit, depuis 2000, la France et l’ensemble des États européens ont multiplié les dépenses sous forme d’aides et défiscalisations.
Ces différents éléments – baisse des salaires, de la consommation, de la croissance et des recettes publiques ; moins-disant fiscal sur le bénéfice des entreprises ; défiscalisation et aides à la consommation – ont ruiné les finances des États et les ont condamnés à emprunter pour sauver leurs comptes, dans une fuite en avant qui voulait parier sur un (illusoire) retour de croissance.
Le fond de l’affaire est que, dans un contexte de chômage de masse, 10 % du PIB sont passés des salaires aux revenus financiers, et que les États s’échinent à éponger ces 10 % perdus en empruntant et en espérant renflouer la consommation et la croissance comme dans un jeu de martingale. C’est de cette manière que le taux d’endettement des pays les plus développés est passé en moyenne de 22 % du PIB dans les années 1980 à 86 % du PIB aujourd’hui.
La survenue de la crise financière de 2007, qui provoqua en cascade l’asphyxie du système bancaire, l’asphyxie des entreprises et une baisse supplémentaire de croissance, est bien sûr venue aggraver le problème de la dette, puisque la récession produite a contribué à réduire plus encore les recettes publiques, et surtout a fait passer le taux de croissance en dessous du taux que représente le remboursement de l’intérêt de la dette, rendant nos comptes déficitaires.
À la vue de ces éléments, comment traiter la dette aujourd’hui ?
Il est nécessaire de combiner des mesures à court terme (pour éviter la faillite) et à long terme (pour relancer la croissance).
À court terme, la France doit emprunter 180 nouveaux milliards d’euros en 2012, et plus encore en 2013-2014, pour rembourser le montant des intérêts versés (47 milliards d’euros en 2010) et le refinancement des anciens emprunts. À cette fin, elle doit impérativement réduire son déficit, en jouant sur un habile compromis entre fiscalité et réductions de dépenses.
À plus long terme, il faudra continuer de réduire les dépenses publiques sans nuire à la croissance ni à la protection sociale. Cette « quadrature du cercle » imposera également d’allier habilement :
- une fiscalisation, mais qui épargne relativement les acteurs de la croissance (dont les consommateurs et les entreprises) ;
- des réductions de dépenses, mais qui nuisent le moins possible à la protection sociale.
Ce qui nous laisse entrevoir les différentes pistes possibles :
Du côté de la fiscalisation :
- un renforcement du contrôle contre la fraude fiscale (manque à gagner annuel estimé entre vingt-huit et cinquante milliards d’euros) ;
- la lutte contre les paradis fiscaux (qui ne sera véritablement efficace que menée de façon conjointe avec d’autres pays) ;
- un examen attentif des niches fiscales et la suppression de celles qui sont les moins économiquement ou socialement « productives » ;
- une fiscalisation des revenus les plus élevés (lesquels, d’un point de vue économique, ne nourrissent pas la consommation et la croissance ; et sont difficiles à justifier d’un point de vue moral et existentiel) ;
- une harmonisation européenne sur la fiscalisation des entreprises (afin d’éviter le « dumping fiscal » des entreprises entre États européens), et un réajustement progressif de l’impôt sur les bénéfices, jusqu’à environ 15 % (mais surtout pas un alourdissement du coût du travail, l’idée étant de fiscaliser le bénéfice au profit des entreprises qui créent de l’emploi) ;
- vers un contrôle et une harmonisation mondiale (Europe + États-Unis + Chine + pays émergents) de la fiscalisation des revenus financiers, ce afin de dissuader la spéculation, et d’orienter les investissements de capitaux plutôt vers la production, le travail et l’emploi ;
Du côté des réductions de dépense :
- un renforcement du contrôle contre les fraudes à l’aide sociale ;
- un audit et une évaluation attentive des dépenses dans les services publics ;
- un examen attentif des dépenses de protection sociale, avec la mise en place de mécanismes responsabilisant – sans oublier toutefois leur rôle « d’amortisseur » de crise ;
- un contrôle et une réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités locales ;
D’une façon plus globale, concernant les entreprises :
- Lutter contre le chômage de masse implique une baisse des coûts pesant sur le travail pour les entreprises (incitées actuellement à payer des heures supplémentaires, à plafonner leur effectif, à plafonner leur activité, à verser des dividendes ou à spéculer avec leurs actifs, plutôt qu’à embaucher) ;
- Lutter contre le chômage de masse implique également le développement de la recherche et de l’innovation pour augmenter les futures exportations de nos entreprises ;
- Une simplification et « dédramatisation » des « ruptures conventionnelles » de contrat favoriserait également l’embauche ;
- Dans le contexte de fort gain de productivité (multipliée par cinq entre 1960 et 2010), un partage optimisé du temps de travail permettrait, à long terme, de réduire le chômage de masse, donc de revaloriser les salaires et rééquilibrer de façon naturelle leur part dans le PIB (en évitant ainsi les effets pervers en cascade observés depuis les années 1980), en étant bien conscient du fait que ceci n’est pas un objectif cherché par les entreprises, mais un objectif social.
Le règlement de la dette souveraine passe par des mesures « d’urgence » à court terme, lesquelles devront jongler entre des réductions de dépenses et une fiscalisation habiles qui ne se montrent pas contre-productives ; et à plus long terme, une oxygénation des entreprises et un partage du temps de travail, tous deux susceptibles de créer de l’emploi.
Ce n’est pas gagné. C’est toutefois de l’ordre du possible.

Christophe Chomant
05-11-2012

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