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2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 12:43

Dimanche 25 mai 2014, à l’occasion des élections européennes, les électeurs français se sont prononcés à 25 % pour le FN, 20 % pour l’UMP et 15 % pour le PS. On pleure, on s’indigne, on hurle au loup, on manifeste même… pour un désastre pourtant programmé de longue date. Après la dérégulation euphorique des années 1990 et son résultat, le crack financier de 2008, le chômage de masse tire en effet les salaires vers le bas, accentue les inégalités et creuse les déficits publics, obligeant chacun à se serrer la ceinture. Pourquoi une telle défiance de l’électeur à l’égard de l’UMP et du PS ? Entre 2002 et 2012, la droite n’a pas réduit les déficits ; la gauche est condamnée à le faire aujourd’hui, oui, mais sans l’avoir annoncé dans son programme. Les Français, pris à la gorge, mal payés, surimposés, apauvris, dupés par la démagogie du « demain on rase gratis », se sentent trahis par les deux camps… et se jettent dans les bras du FN – ou s’abstiennent, ce qui revient au même.
Différents comportements observables dans les grands partis – carriérisme, professionnels de la politique, désignations non démocratiques, cumul horizontal et vertical des mandats, verrouillage des idées, préjugés de classe, querelles sectaires, inaction, etc… – viennent renforcer le vote anti-UMPS.
La gauche de la gauche, de son côté, qui n’a toujours pas intégré la faillite de l’économie dirigée exprimée par la chute du Mur, a perdu toute autorité sur le vote des ouvriers, employés et chômeurs, qui quittent le navire pour voter massivement FN. Cette gauche de la gauche ne se réduit plus qu’à une poignée de demi-intellectuels pratiquant le marxisme comme foi religieuse.
Quelles leçons tirer de ce réveil douloureux ?

1ère chose : le vote FN est la sanction d’un mensonge par omission
Le vote massif des électeurs des classes populaires – chômeurs, ouvriers, employés – pour le FN est le résultat direct de leur déception d’avoir voté pour un président qui leur promettait le « changement maintenant » mais qui avait soigneusement éludé les difficultés réelles de notre pays – à savoir un déficit public en chute libre et des entreprises incapables de créer de l’emploi sous le poids des charges. Ayant le sentiment d’avoir été dupé, le peuple se venge de la droite et de la gauche réunies : il vote en masse à l’extrême droite, qui leur promet à son tour monts et merveilles sur un tissu de contrevérités. Le vote populaire massif pour le FN aujourd’hui est le résultat direct des mensonges par omission de la campagne présidentielle de F. Hollande sur les difficultés de notre pays. Un vote qui continuera de s’aggraver tant que l’emploi ne sera pas de retour.

2ème chose : la politique menée actuellement est néanmoins la bonne
Contrairement à ce que prétendent les 41 députés socialistes « dissidents », la politique actuellement menée par Manuel Valls est pertinente : la France doit maîtriser ses dépenses pour équilibrer ses comptes, et oxygéner ses entreprises pour qu’elles soient en mesure de créer de vrais emplois productifs et durables. L’erreur, ce n’est pas la politique menée par Manuel Valls, c’est le fait de ne pas avoir annoncé la couleur pendant la campagne. À choisir, il eut mieux valu prévenir que des choses difficiles seraient à affronter. Quand Churchill annonce aux Londoniens « du sang, de la sueur et des larmes », il n’en devient pas moins populaire pour autant ; au contraire, son discours de vérité le rend plus crédible. À l’inverse, embellir l’horizon pour se faire élire plus facilement est forcément une bombe à retardement en terme de crédibilité, qui explose aujourd’hui à la figure de F. Hollande comme en témoigne son record d’impopularité. L’électeur populaire se sent trompé par les fausses promesses, et se venge durement.
Il n’était pourtant pas interdit de défendre des idées et valeurs de gauche tout en expliquant la vérité aux gens. « Ce n’est pas en dépensant qu’on réduit sa dette ; oxygéner l’entreprise pour créer de l’emploi ; la social-démocratie, pas la démagogie ! » pouvait-on lire textuellement sur mes affiches aux législatives 2012, sous l’étiquette « La Gauche Moderne ». Des slogans peu sexys certes, mais respectueux des contingences économiques.

3ème chose : la politique de redressement devra, pour revenir au plein emploi, se doubler d’un partage du temps de travail
La politique menée actuellement par Manuel Valls est pertinente et courageuse. Il s’agit toutefois d’une politique de « survie », de remise à flot. Cette politique vise à équilibrer nos comptes et créer de l’emploi. Elle ne sera malheureusement pas suffisante pour éradiquer le chômage de masse, lequel est la cause originelle en cascade des salaires tirés vers le bas, de la pauvreté, de la fuite du PIB vers les revenus du capital, du surendettement public, et, in fine, du vote FN.
Pour éradiquer le chômage de masse, qui est notre objectif final incontournable, nous devrons réfléchir aux conséquences du quintuplement de la productivité au cours des cinquante dernières années, et à la répartition du temps de travail, qui n’a pas changé depuis la semaine de cinq jours instaurée en 1945. Nous devons penser et préparer une révolution sociale, qui redistribuera de façon équitable le temps de travail et les revenus qui leur sont liés. Cette révolution sociale devra se faire de façon ni brutale ni sanglante, mais intelligente, pacifique et réfléchie. Elle respectera par exemple la différence entre les entreprises à fort ou faible gain de productivité, et versant ou non des dividendes. Par une fiscalité incitative, elle encouragera les entreprises qui le peuvent à partager le temps de travail et à créer de l’emploi, comme le réussit jadis la défunte loi de Robien.
Le retour au plein emploi par le partage du temps de travail réintroduira mécaniquement des salaires tirés à la hausse, colmatera les fuites du PIB, redistribuera le travail et la richesse au peuple, comblera les déficits publics, et éradiquera naturellement l’extrême droite. Il n'y a pas d'extrême droite dans une économie de plein emploi.
Pour mémoire, en 1932, trois ans après la crise de 1929, le président américain Roosevelt instaure la semaine de cinq jours et une harmonie fiscale dans l’ensemble des États, assurant des décennies de plein emploi, de richesse et de croissance en Amérique du Nord. En Europe, à la même époque, la semaine de cinq jours n’est pas instaurée. Le chômage, concentré sur l’Allemagne par le fait du Traité de Versailles, génère le nazisme et cinquante millions de morts. La semaine de cinq jours ne sera instaurée en France qu’en 1945, par un accord historique entre gaullistes et communistes. Faut-il des guerres pour que l’intelligence avance ?

Récapitulons :
- S’insurger contre le score élevé du FN part d’un bon sentiment, mais est une pleurnicherie inutile. La seule façon d’éradiquer le FN est d’éradiquer le chômage.
- Le score catastrophique du FN est le résultat combiné d’une droite qui n’a pas réduit les déficits publics et d’une campagne présidentielle socialiste qui n’a pas prévenu qu’elle allait devoir le faire.
- Remettre le pays sur les rails comme le fait aujourd’hui Manuel Valls est nécessaire pour sauver le pays, mais insuffisant pour éradiquer le chômage et le FN. Il nous faudra éradiquer le chômage de masse par une remise à plat de la distribution du temps de travail et du PIB dans notre pays – et au-delà. Nous devrons nous montrer keynésiens, contre la « main invisible » de Smith qui ne fonctionne pas dans ce contexte de chômage de masse.
- Être de gauche n’interdit pas d’expliquer avec franchise aux électeurs les difficultés économiques auxquelles le pays est confronté. Le Parti socialiste doit sur ce point opérer un aggiornamento.
- On peut être d’une gauche modérée et néanmoins militer pour une révolution sociale du partage de l’emploi et des richesses, que même des hommes politiques de droite et des chefs d’entreprise appellent de leurs vœux depuis plusieurs décennies.
À défaut, nous assisterons, impuissants, à des insurrections non contrôlées et/ou à l’accès de l’extrême droite au pouvoir, pour lesquels tous les ingrédients sont aujourd’hui réunis.

 

Christophe Chomant,
Social-Démocratie,
La justice sociale sans la démagogie.

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