Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 09:56

La méthode proposée par M. Fillon pour (espérer) réduire le chômage a le mérite d’être clair : 40 milliards d’allègements fiscaux et sociaux pour les entreprises, financés par une augmentation de la TVA de 2 % et une suppression de 500.000 fonctionnaires, avec la prévision de 100 milliards d’euros d’économie sur 5 ans. Ces 500.000 fonctionnaires seraient supprimés par une augmentation du temps de travail à 39h et le non-remplacement d’un partant à la retraite sur deux.
On ne sait si ce moyen peut réussir. On sait par contre ce qu’en seront les conséquences :
- Une augmentation de 2 % des prix pour un smicard ou une personne au RSA, ce sera un coût de la vie toujours plus cher et des difficultés plus grandes à boucler les fins de mois ;
- 500.000 fonctionnaires supprimés, ce seront 500.000 personnes de plus en recherche d’emploi et autant de services publics disparus pour les citoyens, services pourtant déjà restreints de façon drastique depuis la crise de 2008.
Les Français sont éreintés par la baisse de leur pouvoir d’achat et la dégradation des services publics (combien d’heures d’attente à la poste ? quelle disponibilité des personnels dans les hôpitaux…?). Est-il pertinent d’aggraver plus encore cette situation ?
Il convient certes de réduire notre fameuse « dette publique ». Mais quelle est la cause de cette dette, et qui en est responsable ? Les citoyens ?
Et si nous prenions du recul par rapport aux mécanismes du chômage de masse et de ses conséquences ?
Les gains de productivité (par la robotisation et l’informatisation) ont été tels depuis cinquante ans que la production de notre PIB ne requiert plus que 80 % de la main d’œuvre disponible. Ceci signifie que les Français pourraient travailler 20 % de temps en moins pour produire le même PIB, et pour travailler tous. À défaut, six millions d’entre eux sont aujourd’hui au chômage.
Ce chômage de masse, installé depuis quarante ans, engendre une série de fléaux sociaux en cascade, qu’il importe de rappeler :
- de façon directe, il plonge dans la dépression et l’appauvrissement ceux qui en sont touchés ;
- par phénomène de « moins-disant salarial » (« Si tu n’es pas content de ton salaire, va voir ailleurs ! »), il fait stagner et baisser l’ensemble des salaires des gens qui travaillent (on recrute parfois aujourd’hui un bac+5 au smic) ;
- cette baisse générale des salaires entraîne mécaniquement une baisse des recettes publiques, puisque celles-ci sont nourries par la TVA et par l’impôt sur le revenu ;
- cette baisse des recettes publiques entraîne deux effets mécaniques : un endettement public et une dégradation des services publics ;
- la baisse générale des salaires asphyxie la consommation, donc la croissance, donc l’emploi ;
- de l’autre côté, comme le PIB continue de progresser (et comme cependant les salaires baissent), les revenus des hauts salaires et des dividendes explosent, de façon injustifiable et immorale. La part du PIB récupérée par les dividendes du capital est ainsi passée de 33 % à 43 % en une dizaine d’années (et celle des salaires, symétriquement, de 67 à 57 %). Là est la raison de l’appauvrissement et de l’endettement de notre pays ;
- de surcroît, une part importante de ces revenus exorbitants du capital s’enfuit vers les paradis fiscaux, à hauteur de 60 milliards d’euros par an – des revenus qui échappent à l’impôt et ne participent pas à la consommation et à la croissance en France. Ces revenus exilés à la fois ont été confisqués sur les salaires et à la fois échappent à la fiscalité et à l’économie française – triple perte pour les citoyens français.
- de surcroît, l’inflation des revenus financiers génère des bulles spéculatives (forcément, puisque ces personnes doivent « placer » leur énorme quantité d’argent). Or, ces bulles ne manquent pas d’exploser un jour ou l’autre (comme celle de l’immobilier pour la crise des subprimes en 2008), en provoquant d’immenses dégâts bancaires, économiques et sociaux d’ampleur mondiale ;
- le sentiment de désespoir et d’insécurité sociale face à l’ensemble de ces fléaux en ajoute un supplémentaire : un vote d’extrême droite, aujourd’hui à 25 %.
Les Français, qui produisent par leur travail un PIB sans cesse croissant, voient leurs salaires et la qualité de leurs services publics sans cesse se dégrader. Quelle est la raison de ce mécanisme diabolique ? C’est que le phénomène du chômage de masse a, par moins-disant salarial, confisqué 150 milliards d’euros cumulés sur les salaires en direction des revenus du capital et que, cerise sur le gâteau, 60 milliards de ces revenus du capital échappent à l’impôt et à l’économie française.
Si le plein emploi était rétabli, les mécanismes se trouveraient inversés :
- les chômeurs retrouveraient du travail, amélioreraient leur niveau de vie et retrouveraient leur dignité perdue ;
- il se produirait un phénomène de « mieux-disant salarial » (« Je te propose une augmentation, ne va pas chez un concurrent »), qui génèrerait une hausse générale des salaires ;
- cette hausse générale des salaires entraînerait une hausse des recettes de l’État, via la TVA et l’impôt sur le revenu ;
- cette hausse des salaires entraînerait également une hausse de la consommation, donc de la croissance, donc de l’emploi ;
- moins de hauts revenus s’enfuiraient vers les paradis fiscaux, au bénéfice de la fiscalité, de la consommation et de la croissance ;
- la baisse des revenus boursiers réduirait le risque de bulle spéculative et de crise financière mondiale ;
- la situation générale s’améliorant, l’extrême droite s’affaiblirait, jusque son poids minimal.
Il importe donc de soigner le chômage de masse non par des pansements douloureux (comme se serrer la ceinture), mais par sa cause : l’augmentation vertigineuse de la productivité ces 50 dernières années, et le déséquilibre créé entre le temps de travail global nécessaire et le temps de travail global disponible.
En clair, il faudrait passer de la semaine de cinq à quatre jours, en priorité dans les entreprises (généralement tertiaires) réalisant de forts gains de productivité : là où elles ont pris l’habitude d’effectuer des « licenciements boursiers », il faudrait les contraindre fiscalement à transformer ces gains de productivité en réduction du temps de travail et/ou en embauches. Tout en faisant preuve bien sûr de discernement : une grande entreprise ayant réalisé d’importants gains de productivité peut réduire le temps de travail et/ou embaucher ; une petite entreprise artisanale ne le peut pas.
Pour éviter un phénomène de dumping social, cette mesure se montrerait efficace si elle est concertée à un niveau international. Cette concertation internationale peut être espérée, parce que la résorption du chômage de masse (et la paix sociale et internationale) regarde l’intérêt de chaque État dans le monde.
Dans les années 1930, ces mêmes phénomènes de gain de productivité, de crise financière, de chômage de masse et de montées nationalistes conduisirent à une guerre mondiale. Il fallut attendre 1945 pour que la France passe de la semaine de 6 à 5 jours. N’attendons pas la prochaine guerre pour agir !
En conclusion, l’austérité n’est pas une politique juste, car elle fait payer l’endettement de notre État à ceux qui ont travaillé dur et n’en sont pas fautifs. Par surcroît, en appauvrissant les pauvres et les classes moyennes, elle asphyxie la consommation, la croissance et l’emploi.
Il y a peut-être mieux comme projet politique – et économique – que de demander aux classes laborieuses françaises de se serrer la ceinture…

Chr. Chomant
20-04-2017

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Christophe Chomant - Social-Démocratie
  • : Actualités politiques du militant social-démocrate Christophe Chomant
  • Contact

Recherche

Archives