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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 11:20

Il existe en France un problème d’insuffisance de médecins généralistes ou spécialistes et de leur mauvaise répartition sur le territoire, dont il résulte des « déserts médicaux » et l’impossibilité pour certains Français d’accéder à un médecin, dont l’agenda est saturé, quand sa patientèle n’est tout simplement pas « verrouillée », interdite à tout nouveau patient.
On compte 318 médecins pour 100.000 habitants en 2021, contre 326 en 2012. Cette baisse, accentuée par l’accès au 3ème âge depuis 2010 de la génération du baby-boom, plus consommatrice de soins que les autres tranches d’âge, produit une baisse sensible de la « densité médicale standardisée » (offre médicale par rapport à la demande). 6 millions de Français n’ont ainsi pas de médecin traitant. Cette situation continuera de se dégrader jusqu’en 2028.
Les médecins sont par ailleurs inégalement répartis sur le territoire, plus présents en Île-de-France, PACA, Alsace ou Bretagne, dans des régions offrant pour eux de meilleures conditions d’environnement, de loisirs ou de services. On trouve ainsi 354 médecins pour 100.000 habitants en IDF contre 241 en région Centre. Cette dysharmonie est encore plus marquée pour les spécialistes que pour les généralistes. 40 départements se trouvent sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100.000 habitants.
Quelles sont les causes de ces sous-effectifs et mauvaise répartition ?
La France n’a pas suffisamment produit de médecins depuis les années 1980. Pourquoi ? Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont fragilisé l’économie, créé du chômage, provoqué un « trou de la Sécu » (un chômeur ne cotise pas, ou moins), invité à réduire les dépenses de santé, donc le nombre de médecins, et conduit à l’instauration d’un « numerus clausus » en 2ème année de médecine, se réduisant d’année en année : depuis 8.280 étudiants en 1978 jusque 3.500 en 1993.
Le « papy-boom », accès des baby-boomers au 3ème âge depuis 2010, n’a par ailleurs pas seulement fait gonfler la demande de santé mais également conduit un nombre élevé de médecin à la retraite, de telle sorte que depuis 2020 plus de médecins partent en retraite qu’il n’en entre en formation. Ce pourquoi la « densité médicale standardisée » chute.
Ensuite, pourquoi les médecins sont-ils mal répartis sur le territoire ? Parce que leur lieu d’installation est libre, à la différence d’autres professions de santé comme les infirmiers, sages-femmes ou kinésithérapeutes, incités à s’installer en territoire déficitaire par une modulation du conventionnement de remboursement.
L’origine sociale favorisée – et donc urbaine (90 % des CSP+ habitent en zone urbaine ou rurbaine) – des étudiants en médecine les incite par ailleurs à s’installer plutôt en ville qu’à la campagne. Inversement, seuls les 2 % d’étudiants issus d’agriculteurs trouvent naturel de s’installer à la campagne.
Quel horizon ? L’insuffisance du nombre de médecins s’estompera à partir de 2030, parce que le numerus clausus a été relevé dans les années 1990, puis supprimé en 2020 et remplacé par un « numerus apertus », un quota minimum défini par chaque faculté selon les besoins du territoire, avec pour effet immédiat en 2021 une augmentation de 20 % des admissions en 2ème année. L’équilibre est attendu pour 2033, avec une augmentation des effectifs de 37 % pour 2050.
En attendant, comment pallier l’urgence ?
D’abord en déléguant certaines compétences médicales (injection d’un vaccin, délivrance d’un test…) à des infirmières, sages-femmes ou assistants médicaux, libérant d’autant l’emploi du temps du médecin.
Ensuite en restreignant la liberté géographique d’installation des médecins, mais laquelle mesure se heurte à la farouche opposition de l’Ordre des médecins, une opposition de blocage qui interroge la question de l’autorité politique.

 

Evolution du numerus clausus et disparité géographique des médecins

Evolution du numerus clausus et disparité géographique des médecins

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16 décembre 2022 5 16 /12 /décembre /2022 15:16

Adam Smith (1723-1790) est connu pour sa « main invisible » censée réguler spontanément les prix dans une économie de marché sans monopole, ce qui l’amène parfois à se trouver revendiqué par les tenants d’une économie non régulée.
C’est oublier que l’économiste recommanda par ailleurs :
- à l’État et à la société de se méfier des capitalistes, obnubilés par leurs profits ;
- une protection par l’État des salariés, moins bien placés que les employeurs dans les négociations de salaire et de condition de travail ;
- de tempérer et juguler la part des revenus du capital par rapport à celle du travail ;
- d’éradiquer les bas salaires, nocifs pour l’économie et la société.
« Aucune société ne peut prospérer et être heureuse dans laquelle la plus grande partie des travailleurs est pauvre et misérable ».
Adam Smith se révèle donc moins libéral – et encore moins ultra-libéral – que social-démocrate partisan d’une économie de marché correctement régulée.

 

Adam Smith libéral ?
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15 décembre 2022 4 15 /12 /décembre /2022 15:11

Une « économie de marché » est censée mettre la production de l’entreprise (offre) au service des besoins des gens (demande). Or, note JK Galbraith dans « L’ère de l’opulence » (1958), la publicité fausse ce mécanisme en une « filière inversée », par laquelle l’entreprise crée un désir chez le consommateur, dicte ce dont il aurait « besoin » et le lui fournit – au prix d’une surconsommation globale de ressources et d’énergie.
Dans cette économie pervertie, la production ne sert plus à réduire les besoins des gens, mais en crée sans cesse de nouveaux, futiles, comme fin en soi au bénéfice de la « croissance » et des profits, donnant naissance à la société de (sur)consommation que nous connaissons.
Idem pour l’alimentation : « Là où la population était censée faire pression sur l’offre alimentaire, c’est désormais l’offre alimentaire qui fait pression sur la population ».
Une déviance économique que devra considérer et traiter toute politique de lutte contre le gaspillage des ressources et de l’énergie, lequel aggrave le réchauffement climatique.
La publicité fait surconsommer le citoyen et surchauffer la planète.

 

John Kenneth Galbraith, The Affluent Society, 1958

John Kenneth Galbraith, The Affluent Society, 1958

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13 avril 2022 3 13 /04 /avril /2022 15:04

Une extrême droite à 30 % n’est pas l’état normal d’une démocratie mais le signe d’une pathologie et d’une souffrance sociale, qu’on guérira, comme toute maladie, non pas en s’indignant ou en brassant de l’air mais en agissant sur les causes.
Dans l’Allemagne des années 1930, la courbe du NSDAP épouse celle du chômage.
Pourquoi ? Parce que le chômage met en souffrance, dévalorise, déclasse, déprime, désocialise, appauvrit, insécurise, aigrit, recroqueville et rend nationaliste et xénophobe.
On observe la même corrélation chômage / extrême droite en France depuis 1975.
Un chômeur ne vote évidemment pas forcément RN et un électeur RN n’est pas forcément chômeur (il peut être cadre retraité dans un village paisible) ; c’est un état général de paupérisation et d’insécurisation sociale qui pousse l’électorat vers un extrémisme régressif. Une société de plein emploi ne connaît pas d’extrême droite.
Au-delà des chiffres officiels se cantonnant à la catégorie A et sous-estimant le phénomène, nous parlons de 6,67 millions de chômeurs (toutes catégories, A, B, C, D et E) en 2021, soit 22,6 % d’une population active de 29,5 M, cela sans compter les temps partiels contraints, qui dégradent également les existences.
Le chômage, qui nuit évidemment d’abord au chômeur, fait également baisser l’ensemble des salaires au bénéfice des dividendes, asphyxie la consommation, la TVA et – donc – les recettes, dépenses et services publics.
Éradiquer l’extrême droite implique d’éradiquer le chômage.

 

Eradiquer l'extrême droite
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10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 11:14

Albert Hirschman (1915-2012), sociologue américain, avait théorisé l’idée « d’effet tunnel » en sociologie politique : lorsque la situation s’améliore pour un groupe social, ceci est tout d’abord perçu comme un signal positif par les autres groupes, qui espèrent bénéficier rapidement d’une même amélioration. Mais si cette amélioration ne vient pas, le sentiment de frustration, d’injustice et de colère est décuplé et a de grandes chances de déboucher sur un conflit. Hirschman illustrait ce phénomène par celui de files de voitures bloquées dans un tunnel : tant que toutes les files sont bloquées, personne ne fulmine, chacun ronge son frein. Si l’une des files se trouve débloquée, chacun espère que son tour va venir très rapidement. S’il ne vient pas, chaque automobiliste resté bloqué s’estime lésé, victime d’une injustice et se met en colère. Aussi mon regretté professeur d’anthropologie cognitive en Sorbonne Raymond Boudon nous enjoignait-il de ne jamais entreprendre de réforme sociale ou fiscale qui aurait bénéficié d’abord à une catégorie sociale (surtout aisée) avant que d’en faire bénéficier une autre (surtout défavorisée), sous peine d’explosion sociale. Un classique de la sociologie politique que notre président et nos députés, dans leur jeunesse et leur fougue, n’auront probablement pas eu le temps de lire…

 

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9 décembre 2018 7 09 /12 /décembre /2018 12:16

La première mission d’un militant politique est d’écouter les gens, surtout ceux qui sont en colère. Surtout pas de les fuir ni d’en avoir peur.
Samedi 8 décembre 2018, 15h30, rond-point de la Motte, à l’intersection de la voie rapide sud III et de la bretelle du Pont-Flaubert à Rouen. Environ 80 Gilets Jaunes présents ralentissent les véhicules à chaque jonction. Sur un tertre, un auvent avec une table propose de la nourriture et des boissons. Un brasero réchauffe les militants ; un empilement de palettes est embrasé. Le niveau sonore est élevé en raison des cris des GJ et des klaxons des camions. Lorsque je demande à voir le responsable, on me conduit à une dame assise dans un fauteuil pliant, Maryse. Autour d’elle, Jean, et Guillaume, trentenaire. Et d’autres GJ, qui écoutent la discussion en s’y mêlant parfois.
- Je viens vous voir pour écouter vos revendications…
- On les a déjà écrites et fait remonter au sommet !
Mais les cervelles se creusent et les langues se délient : une France plus juste, plus d’égalité, faire respecter la devise « Liberté, égalité, fraternité »… Que les travailleurs puissent vivre décemment de leur salaire. Partager les richesses. Que les profits ne passent pas avant les autres valeurs. Contre une élite avide de pouvoir et d’argent. Un pouvoir qui méconnaît le peuple (je cite)…
On parle de carburant et de voitures. La voiture hybride fournie par l’entreprise de Maryse consomme plus que l’essence. L’électrique n’a pas suffisamment d’autonomie, et la fabrication de ses batteries est polluante. Les lobbies du pétrole freinent le développement d’énergies alternatives… Les GJ sont conscients de la nécessité d’une transition écologique pour lutter contre le réchauffement climatique, mais se sentent les plus frappés : « 50 € d’essence en plus par mois pour un gars qui en gagne 5.000, c’est rien, mais pour un smicard, c’est insupportable, c’est un caddy de supermarché pour manger pendant une semaine. »
D’une façon générale, il y a une « collusion des pouvoirs ». Le mouvement durera jusqu’à la victoire. « Macron, démission ! » crie-t-on autour de moi. « Macron, qu’il dégage, avec tout son gouvernement de m… ! ». Je reste très calme et courtois.
Les slogans radicaux se mélangent avec des arguments multiples. Les services publics se réduisent, sont de moins en moins accessibles. Il faut une augmentation des salaires, et stopper celle des taxes. Il n’est pas normal de devoir mettre de l’argent de côté pour pouvoir vivre correctement à la retraite.
Un GJ s’indigne de ce que l’Élysée vende des objets, comme des mugs à 25 €, pour « faire encore rentrer de l’argent dans les caisses de l’État ». Ce qui déclenche une avalanche de critiques sur le renouvellement de vaisselle ou de moquette de l’Élysée « à prix d’or » : on n’en avait pas besoin, on aurait pu attendre. Je réalise soudain, par ces phrases étonnantes, qu’effectivement l’Élysée est « propriété du peuple » (et d’une façon générale tout ce qui est détenu par l’État), donc soumis à l’approbation du contribuable.
Certaines petites phrases du président ont été perçues de façon blessante, comme la recommandation de travailler pour pouvoir s’acheter un costume ou de traverser la rue pour trouver un emploi.
Les écarts de salaire entre un smicard et un Carlos Ghosn (facteur mille) sont jugés effarants, « sans aucun sens ».
Les différences (raisonnables) de salaire sont jugées « légitimes », mais chacun est pressurisé à son niveau par les impôts et taxes.
Les élus – ministres, députés – sont jugés déconnectés de la vie réelle et (par exemple) du coût des produits alimentaires, exemples confirmés par des anecdotes et sorties malheureuses à la télévision récemment.
Quelques piques sont adressées à notre député, que je ne relève pas.
La suppression de l’ISF n’a pas été comprise : quels bénéfices concrets, chiffrés, a produit cette suppression ? Même remarque est faite au sujet du CICE : que devient cet argent ? Là aussi, ce questionnement du contribuable semble difficilement pouvoir être balayé d’un revers de manche. Le GJ estime avoir financé le CICE avec ses impôts (ce qui n’est pas faux), donc il réclame des comptes sur la destination et les effets de la dépense.
On en revient au Smic, avec lequel il est « impossible aujourd’hui de vivre décemment », surtout après avoir payé un loyer de 600 €. Ou bien alors on s’exile à la campagne, moins chère, mais avec des frais de voiture et de carburant, en étant frappé en premier par la hausse.
Le fait qu’on puisse « être au chômage en gagnant plus d’argent qu’en travaillant » (je cite) est mal vécu. Il n’est pas normal, de plus, que des gens soient incités à ne pas travailler, car le travail est ce qui structure la vie du citoyen et donne un sens à sa vie (je cite).
Guillaume, avec son bac+2 a travaillé plusieurs années en étant rémunéré au smic, ce qu’il ne trouve pas normal.
« L’ancienne génération, ils choisissaient leur travail ; aujourd’hui, c’est le travail qui nous choisit », dit-il.
Les élites (économiques et politiques) ignorent comme il est dur de (sur)vivre aujourd’hui avec un smic.
Nous ne sommes pas contre l’impôt, mais pas trop ; il faut qu’il reste raisonnable, et nous permette de vivre avec dignité, en pouvant nous offrir un peu de loisirs.
Maryse m’explique que le Général de Gaulle pensait qu’une entreprise devait consacrer le tiers de ses bénéfices aux salaires, un autre tiers à l’investissement et un dernier tiers aux actionnaires, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui : les profits bénéficient plus aux actionnaires, ce qui prive les salariés d’argent à re-dépenser dans l’économie, d’où une asphyxie de l’économie et une impossibilité à sortir de l’endettement public.
Une caravane de cars de CRS, sirènes hurlantes, franchit le rond-point à toute allure. « Macron, démission ! » scandent les GJ, qui se replient un instant, craignant d’être délogés et gazés comme la semaine précédente. Mais la caravane s’engage finalement vers le Pont Flaubert et Barentin, où ça doit probablement « chauffer ».
- Le gouvernement a tout de même cédé sur 6 revendications, me permets-je de faire remarquer.
- La suspension des taxes n’est pas une solution, car leur application est simplement retardée à plus tard, m’explique Guillaume.
- Il faut aller chercher l’argent là où il est ! intime un voisin.
- Et vous, qui êtes-vous ? me demande-t-on ?
Lorsque j’explique que je suis un militant LaREM, il y a un blanc, le temps que les logiciels se recalent. Mais la discussion demeure courtoise, et les propos s’infléchissent un peu, dans l’idée que je peux faire remonter des choses aux militants et responsables de notre mouvement.
Les GJ regrettent qu’il soit nécessaire de descendre dans la rue pour que les gens en difficulté sociale soient entendus. Ils regrettent également d’entraver la circulation et de nuire aux ventes des magasins en cette période de pré-Noël.
Lorsque je suggère la possibilité de « plus de pédagogie », je me fais couper net : ce vocable est insultant pour eux, ils ne veulent plus l’entendre, car il insinue qu’ils sont des demeurés et ne sont pas en mesure de comprendre les tenants et les aboutissants de l’économie et de la politique. Je n’insiste pas. Peut-être ont-ils raison, d’ailleurs.
Maryse fait remarquer que, dans son malheur, le gouvernement a la grande chance de ne pas voir les syndicats réussir à s’allier entre eux, car alors, dit-elle, ce serait la révolte générale. « On est au bout d’un système économique et social ; même des experts américains le disent. Les gens travaillent, mais l’argent va ailleurs. C’est pour ça que les salaires sont aussi bas et que l’État est endetté. »
« Il est dommage que l’écoute des GJ par le gouvernement succède à la casse, comme s’il fallait attendre que les gens cassent pour qu’ils soient écoutés. »
Je sens que les GJ reprochent à EM d’aller trop vite et avec des œillères, comme un bulldozer, en balayant d’un revers de manche les objections, sans tenir compte des difficultés et souffrances du peuple.
Son profil, sa façon de s’habiller et de parler, surtout de façon tranchante et hautaine, passent mal ; eux qui sont ouvriers ou employés en souffrance sociale n’arrivent pas à s’identifier à lui.
Maryse conclut : EM nous a donné beaucoup d’espoir, un espoir de renouveau, une volonté de « casser les codes ». La déception est à la hauteur de l’espoir suscité, ce pourquoi « ça pète » aujourd’hui.
Guillaume revient sur l’ISF. Il a l’impression qu’EM favorise les riches. Il me rappelle que le « S » d’ISF signifie « solidarité », en l’occurrence solidarité avec les pauvres. Donc par quoi, par quelle solidarité envers les pauvres, l’ISF a-t-il été remplacé ? L’ISF n’aurait pas dû être supprimé avant que les pauvres soient aidés d’une façon ou d’une autre. Il y a de fait une certaine logique dans son discours. Surtout, dans son esprit, l’ISF a force de symbole, de symbole fort, plus que pour ceux qui ont décidé ou accepté sa suppression pour des raisons plutôt technocratiques.
Guillaume conclut en disant que les aides et les taxes doivent être équilibrées. Il reconnaît avoir bénéficié d’une baisse de 120 € de sa taxe d’habitation, mais a calculé que les surcroîts de taxe et de prélèvement (CSG) lui ont coûté plus de 120 €. Il s’estime donc lésé, et grugé par rapport aux plus riches, dont certains salaires sont effarants et indécents.
Macron paye pour ses prédécesseurs, remarque Maryse, honnête. « Pas de chance pour lui, mais c’est ainsi ».
Tous les propos rapportés ci-dessus ont été exprimés textuellement par des GJ ; je n’ai rien transformé.
En conclusion, tout au long de l’échange, d’un GJ à l’autre, certains points reviennent de façon récurrente, comme des leitmotivs :
- La suppression de l’ISF, précoce, a été perçue comme une préférence donnée d’emblée aux riches, avant que des mesures ne soient prises en faveur des plus démunis (alors que cet impôt consiste précisément en une « solidarité » à l’égard des plus pauvres) ;
- Des taxes supplémentaires dont on ne voit pas à quoi elles sont utilisées et où va l’argent concrètement – et sur lesquelles les contribuables ont pourtant droit de regard ;
- Des taxes supplémentaires alors que les services publics sont en régression. C’est illogique et contradictoire pour les GJ.
Dans l’entourage et parmi ceux qui prennent la parole, je n’entends pas d’allusions au RN ou à la FI, ni à MLP ou JLM. L’atmosphère est apolitique, avec probablement beaucoup de personnes abstentionnistes, qui se sont senties flouées par les partis de gouvernement successifs, et plus encore par le dernier en date, parce qu’il avait soulevé en eux beaucoup d’espoir.
Une deuxième caravane de cars de CRS passe, sirènes hurlantes, en direction du centre ville cette fois-ci.
Un GJ vient à moi en me tendant la main : je reconnais l’un des premiers marcheurs, avec lequel j’avais partagé le porte-à-porte de la « Grande Marche » en juin 2016. Nous sommes heureux de nous retrouver et d’échanger. Je lui donne des nouvelles de LaREM.
Il se met à pleuvoir plus sérieusement. Le brasero manque de mettre le feu à mon manteau. Les militants se serrent sous l’auvent. Le moment pour moi de laisser les GJ à leur combat et de m’éclipser, enrichi de cette écoute…

D’abord l’écoute, avant l’analyse ou la préconisation. Un homme politique qui n’écoute pas ne peut tout simplement pas agir correctement.

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3 décembre 2018 1 03 /12 /décembre /2018 11:55

Les remèdes à apporter aux Gilets Jaunes en urgence sont une chose ; les causes – et remèdes – profonds en sont une autre. La France paye aujourd’hui (pour l’essentiel) la facture de quatre décennies de dysfonctionnements économiques :
- L’intelligence artificielle remplace l’humain dans le travail et génère (et n’a pas fini de générer) des millions de chômeurs – et de GJ ;
- Le chômage de masse provoqué par ce « grand remplacement technologique » provoque à son tour, par un mécanisme de « moins-disant salarial » à l’embauche, une baisse générale des salaires, qui paupérise l’ensemble de la collectivité (y compris les comptes publics), au profit des salaires de chef d’entreprise, des dividendes et des exils fiscaux ;
- Enfin, les sur-dividendes produits par ce phénomène n’alimentent pas l’économie réelle mais nourrissent des bulles spéculatives, qui finissent toujours par exploser (cf. 1929 et 2008), en laminant le système bancaire mondial, donc le financement des entreprises, donc l’emploi, donc la richesse et le niveau de vie des citoyens.
Apporter des solutions d’urgence face à la souffrance sociale des GJ apaise les symptômes de ces maux. Mais il importera également de traiter les causes à leurs racines et de leur apporter des remèdes :
- accompagner la transition technologique en préparant la redistribution à venir du temps de travail, laquelle nous ramènera à un plein emploi et à un mécanisme de « mieux-disant salarial » à l’embauche ;
- renforcer (par un Bâle 4 ?) la régulation des mécanismes de spéculation financière internationale.
Des mesures qui pourront être appliquées avec efficacité non pas au seul niveau d’un pays mais de façon concertée par l’Europe ou le G20.

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20 novembre 2018 2 20 /11 /novembre /2018 21:16

Les réseaux sociaux relaient des posts montrant des incivilités ou violences de la part des Gilets Jaunes, posts que nous, militants LaREM, nous empressons de relayer, railler et condamner.
Mais tous ces Gilets Jaunes sont-ils des fachos ? Tous les Gilets Jaunes roulent-ils en 4x4 Mercedes? Quel pourcentage des Gilets Jaunes représentent les dérapages ?
N’assisterions-nous pas plus exactement à la Jacquerie d’une population exaspérée par des décennies de serrage de ceinture, de souffrance sociale et d’impatience ?
Quelle est la situation sociale en France ? Trois décennies de chômage de masse, 300.000 offres d’emploi pour six millions de chômeurs, des jeunes sortant de qualification sans espoir de travail, des bac+5 payés au smic, une crise financière venue d’Amérique qui a injustement laminé l’économie, l’emploi et la société française, une diminution d’accès aux services publics (Poste et guichets administratifs) alors que le PIB augmente (?), des salaires qui stagnent quand les dividendes s’envolent, des inégalités de revenus jamais aussi élevées que sous Louis XVI, un exil fiscal vingt fois supérieur aux fraudes sociales, des pauvres isolés en campagne, n’ayant que la voiture pour trouver quelques heures de boulot ici ou là, des agriculteurs rémunérés quelques centaines d’euros par mois et exposés à leur insu à des produits cancérigènes, des salariés sur le carreau parce que la direction informatise, délocalise et augmente les dividendes des actionnaires, etc… Des drames humains dont peu d’entre nous, diplômés urbains à l’abri du besoin, souffrons.
Et si cette augmentation des carburants, pourtant légitime, nécessitée par la lutte contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique, n’était que la goutte d’eau faisant déborder le vase de trois décennies de souffrance sociale ?
« Il faut un certain confort pour pratiquer la vertu », disait Barbey d’Aurévilly. Les gens sont comme les enfants : ce sont ceux qui souffrent le plus qui deviennent violents. Les gens heureux ne se révoltent pas.
Et si nous allions voir un peu plus loin que le bout de notre nez…?
Sans approuver l'action des Gilets Jaunes, ne peut-on comprendre certains mobiles de leur colère...?

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5 août 2018 7 05 /08 /août /2018 14:14

Israël et ses voisins vivent en guerre depuis 70 ans. L’opinion publique mondiale et Israël elle-même s’accommodent de ce que l’on considère comme une sorte de « fatalité », figée et entretenue par un sentiment de culpabilité occidental et un victimisme israélien.
Au-delà de leurs « justifications », les opérations successives d’Israël contre le Liban et Gaza (Liban 1982, Intifadas 1987 et 2000, Pluie d’été 2006, Liban 2006, Plomb durci 2008-2009, Pilier de défense 2012, Bordure protectrice 2014, Jour du retour 2018) ont tué plus de 5.000 civils arabes innocents et causé d’innombrables destructions d’infrastructures, accentuant la haine des Arabes contre Israël, offrant des arguments en or à l’anti-israélisme de l’Iran, du Hamas ou du Hezbollah, et alimentant un néo-antisémitisme arabe dans les banlieues d’Europe.
Tsahal est l’armée la plus coûteuse au monde par habitant – 6,5 % du PIB, 18,6 milliards $ en 2015, soit 2.190 $ par habitant. Rapportées aux 70 ans de l’État hébreux, ces dépenses représentent un total de plus de 1.300 milliards de dollars et 153.300 $ par habitant depuis 1948. Une somme astronomique. Autant d’argent de perdu par les Israéliens au détriment d’autres investissements bien plus utiles – logement, agriculture, éducation, loisirs… – et qui plombe le développement d’Israël. Les conflits frontaliers sont un gouffre financier pour Israël et le peuple juif.
Or, quels sont les ressorts originels de cette situation catastrophique ?
Pourtant responsables de la crise de 1929, du nazisme et de la Shoah, les pays occidentaux se sont exonérés à bon compte de l’établissement de millions de Juifs en Palestine après la 2ème guerre mondiale. Ils se sont lavés les mains, notamment, du dédommagement des Arabes pour leurs biens perdus lors de l’exode d’avril 1948, cause originelle et argument récurrent d’un état de guerre arabe permanent contre Israël. Les propriétés de 700.000 Arabes n’ont simplement pas été achetées mais « cédées » gratuitement. Les pays occidentaux, pourtant intéressés par la paix et la stabilité au Moyen-Orient, se sont, depuis la Déclaration Balfour et les accords Sykes-Picot jusque l’exode post-Shoah, délestés de la question juive sans s’en acquitter du moindre coût.
Or, comment équilibrer un exercice s’il lui manque des recettes ? Comment résoudre une équation s’il lui manque une donnée ?
Un « Fonds mondial d’indemnisation de la Naqba », alimenté par les pays occidentaux d’exode juif (Europe, États-Unis, Russie), trouverait bénéfice à proposer à chaque famille arabe « réfugiée » une somme de 100.000 $, non pas sous forme de cash (qui pourrait être détourné à des fins militaires), mais de l’achat d’un bien immobilier dans tout pays arabe d’accueil depuis le Maroc jusque l’Irak, associé à un renoncement écrit au droit au retour (ainsi qu’au statut de « réfugié »). Dans un principe d’équité, la même offre serait proposée aux Arabes de Cisjordanie et d’Israël.
Le monde occidental financerait (enfin) dignement le déplacement – volontaire ou contraint – de familles arabes pour l’établissement de l’État d’Israël il y a 70 ans.
Ainsi les Arabes victimes de la Naqba en 1948 se sentiraient-ils enfin reconnus dans leur malheur, respectés dans leur dignité et dédommagés pour leur dépossession. De là, les motifs de ressentiment à l’égard d’Israël dans le monde arabe se dissoudraient en cascade, les ennemis d’Israël se retrouveraient avec l’herbe coupée sous le pied, sans carburant ni arguments, et Israël pourrait enfin – peu à peu, de façon progressive – jouir d’une paix stable et pérenne, pour le plus grand bénéfice du niveau de vie des Israéliens.
L’état de guerre en Israël est-il une fatalité ? Il est assurément meurtrier pour les civils arabes, et ruineux financièrement pour le peuple juif.
Quand le nœud d’un problème semble inextricable, ne convient-il pas d’en remonter le fil jusqu’à la source ?

Christophe Chomant

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 09:56

La méthode proposée par M. Fillon pour (espérer) réduire le chômage a le mérite d’être clair : 40 milliards d’allègements fiscaux et sociaux pour les entreprises, financés par une augmentation de la TVA de 2 % et une suppression de 500.000 fonctionnaires, avec la prévision de 100 milliards d’euros d’économie sur 5 ans. Ces 500.000 fonctionnaires seraient supprimés par une augmentation du temps de travail à 39h et le non-remplacement d’un partant à la retraite sur deux.
On ne sait si ce moyen peut réussir. On sait par contre ce qu’en seront les conséquences :
- Une augmentation de 2 % des prix pour un smicard ou une personne au RSA, ce sera un coût de la vie toujours plus cher et des difficultés plus grandes à boucler les fins de mois ;
- 500.000 fonctionnaires supprimés, ce seront 500.000 personnes de plus en recherche d’emploi et autant de services publics disparus pour les citoyens, services pourtant déjà restreints de façon drastique depuis la crise de 2008.
Les Français sont éreintés par la baisse de leur pouvoir d’achat et la dégradation des services publics (combien d’heures d’attente à la poste ? quelle disponibilité des personnels dans les hôpitaux…?). Est-il pertinent d’aggraver plus encore cette situation ?
Il convient certes de réduire notre fameuse « dette publique ». Mais quelle est la cause de cette dette, et qui en est responsable ? Les citoyens ?
Et si nous prenions du recul par rapport aux mécanismes du chômage de masse et de ses conséquences ?
Les gains de productivité (par la robotisation et l’informatisation) ont été tels depuis cinquante ans que la production de notre PIB ne requiert plus que 80 % de la main d’œuvre disponible. Ceci signifie que les Français pourraient travailler 20 % de temps en moins pour produire le même PIB, et pour travailler tous. À défaut, six millions d’entre eux sont aujourd’hui au chômage.
Ce chômage de masse, installé depuis quarante ans, engendre une série de fléaux sociaux en cascade, qu’il importe de rappeler :
- de façon directe, il plonge dans la dépression et l’appauvrissement ceux qui en sont touchés ;
- par phénomène de « moins-disant salarial » (« Si tu n’es pas content de ton salaire, va voir ailleurs ! »), il fait stagner et baisser l’ensemble des salaires des gens qui travaillent (on recrute parfois aujourd’hui un bac+5 au smic) ;
- cette baisse générale des salaires entraîne mécaniquement une baisse des recettes publiques, puisque celles-ci sont nourries par la TVA et par l’impôt sur le revenu ;
- cette baisse des recettes publiques entraîne deux effets mécaniques : un endettement public et une dégradation des services publics ;
- la baisse générale des salaires asphyxie la consommation, donc la croissance, donc l’emploi ;
- de l’autre côté, comme le PIB continue de progresser (et comme cependant les salaires baissent), les revenus des hauts salaires et des dividendes explosent, de façon injustifiable et immorale. La part du PIB récupérée par les dividendes du capital est ainsi passée de 33 % à 43 % en une dizaine d’années (et celle des salaires, symétriquement, de 67 à 57 %). Là est la raison de l’appauvrissement et de l’endettement de notre pays ;
- de surcroît, une part importante de ces revenus exorbitants du capital s’enfuit vers les paradis fiscaux, à hauteur de 60 milliards d’euros par an – des revenus qui échappent à l’impôt et ne participent pas à la consommation et à la croissance en France. Ces revenus exilés à la fois ont été confisqués sur les salaires et à la fois échappent à la fiscalité et à l’économie française – triple perte pour les citoyens français.
- de surcroît, l’inflation des revenus financiers génère des bulles spéculatives (forcément, puisque ces personnes doivent « placer » leur énorme quantité d’argent). Or, ces bulles ne manquent pas d’exploser un jour ou l’autre (comme celle de l’immobilier pour la crise des subprimes en 2008), en provoquant d’immenses dégâts bancaires, économiques et sociaux d’ampleur mondiale ;
- le sentiment de désespoir et d’insécurité sociale face à l’ensemble de ces fléaux en ajoute un supplémentaire : un vote d’extrême droite, aujourd’hui à 25 %.
Les Français, qui produisent par leur travail un PIB sans cesse croissant, voient leurs salaires et la qualité de leurs services publics sans cesse se dégrader. Quelle est la raison de ce mécanisme diabolique ? C’est que le phénomène du chômage de masse a, par moins-disant salarial, confisqué 150 milliards d’euros cumulés sur les salaires en direction des revenus du capital et que, cerise sur le gâteau, 60 milliards de ces revenus du capital échappent à l’impôt et à l’économie française.
Si le plein emploi était rétabli, les mécanismes se trouveraient inversés :
- les chômeurs retrouveraient du travail, amélioreraient leur niveau de vie et retrouveraient leur dignité perdue ;
- il se produirait un phénomène de « mieux-disant salarial » (« Je te propose une augmentation, ne va pas chez un concurrent »), qui génèrerait une hausse générale des salaires ;
- cette hausse générale des salaires entraînerait une hausse des recettes de l’État, via la TVA et l’impôt sur le revenu ;
- cette hausse des salaires entraînerait également une hausse de la consommation, donc de la croissance, donc de l’emploi ;
- moins de hauts revenus s’enfuiraient vers les paradis fiscaux, au bénéfice de la fiscalité, de la consommation et de la croissance ;
- la baisse des revenus boursiers réduirait le risque de bulle spéculative et de crise financière mondiale ;
- la situation générale s’améliorant, l’extrême droite s’affaiblirait, jusque son poids minimal.
Il importe donc de soigner le chômage de masse non par des pansements douloureux (comme se serrer la ceinture), mais par sa cause : l’augmentation vertigineuse de la productivité ces 50 dernières années, et le déséquilibre créé entre le temps de travail global nécessaire et le temps de travail global disponible.
En clair, il faudrait passer de la semaine de cinq à quatre jours, en priorité dans les entreprises (généralement tertiaires) réalisant de forts gains de productivité : là où elles ont pris l’habitude d’effectuer des « licenciements boursiers », il faudrait les contraindre fiscalement à transformer ces gains de productivité en réduction du temps de travail et/ou en embauches. Tout en faisant preuve bien sûr de discernement : une grande entreprise ayant réalisé d’importants gains de productivité peut réduire le temps de travail et/ou embaucher ; une petite entreprise artisanale ne le peut pas.
Pour éviter un phénomène de dumping social, cette mesure se montrerait efficace si elle est concertée à un niveau international. Cette concertation internationale peut être espérée, parce que la résorption du chômage de masse (et la paix sociale et internationale) regarde l’intérêt de chaque État dans le monde.
Dans les années 1930, ces mêmes phénomènes de gain de productivité, de crise financière, de chômage de masse et de montées nationalistes conduisirent à une guerre mondiale. Il fallut attendre 1945 pour que la France passe de la semaine de 6 à 5 jours. N’attendons pas la prochaine guerre pour agir !
En conclusion, l’austérité n’est pas une politique juste, car elle fait payer l’endettement de notre État à ceux qui ont travaillé dur et n’en sont pas fautifs. Par surcroît, en appauvrissant les pauvres et les classes moyennes, elle asphyxie la consommation, la croissance et l’emploi.
Il y a peut-être mieux comme projet politique – et économique – que de demander aux classes laborieuses françaises de se serrer la ceinture…

Chr. Chomant
20-04-2017

 

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